Kitase : Il était allé jusque là ?
Nojima : Si c'était Akiyama, je ne pense pas qu'il ait pensé à quelque chose d'aussi profond. (Rires)
Yuffie et Vincent sont des personnages secrets, mais j'ai été surpris qu'autant de cinématiques leur soient consacrées.Nomura : Certaines personnes avaient même suggéré qu'on les supprime parce qu'on avait pas assez de temps. Mais nous nous sommes débrouillés, et ils sont devenus les personnages secrets que tout le monde connaît aujourd'hui.
Kitase : Il y a autant de cut-scenes pour Yuffie parce qu'Akiyama, qui s'occupait des personnages secrets, s'y était beaucoup attaché. Son apparition lors d'un combat, et la petite discussion que le joueur doit mener pour pouvoir la recruter étaient ses idées. À mesure que le développement a avancé, elle est ensuite devenue de plus en plus importante.
Nojima : C'est vraiment énervant lorsqu'on essaye de sauvegarder après le combat contre Yuffie et qu'on se fait avoir. (Rires) En ce qui concerne l'histoire au Wutai, j'ai réalisé les éléments liés au scénario principal, mais c'est Takashi Tokita (event planner, FFVII) qui a conçu les évènements de la Pagode des Cinq Dieux.
Kitase : Il a vraiment laissé sa marque dans ce passage.
Nojima : Tokita est un passionné du théâtre, et les personnages qui apparaissent dans cette pagode ont des noms de personnes connues dans le monde du théâtre, comme des auteurs dramatiques.
Qui s'occupait des cinématiques de Vincent ?Kitase : Je me rappelle avoir fait le passage où il rejoint l'équipe dans le manoir Shinra, mais Nojima s'était occupé du reste, non ?
Nojima : J'ai en effet écrit ces épisodes. Nous avions pensé au passé de Vincent et de Lucrecia dès le début, et je me rappelle avoir lié cela à la Shinra. Hiroki Chiba (event planner, FFVII) a rajouté les scènes sur Vincent à la toute fin du développement.
Kitase : Chiba s'occupe du scénario de Dirge of Cerberus, mais maintenant que j'y pense, c'est peut-être parce qu'il avait travaillé sur ces évènements.
Nojima : Quoi qu'il en soit, même si Vincent n'apparaît pas dans beaucoup de scènes à cause de son arrivée tardive dans l'équipe, il a une bonne part de dialogue. Il parle beaucoup quand il est présent, même s'il est censé être silencieux. (Rires) Aujourd'hui encore, j'ai des problèmes avec ces personnages cools et silencieux : je finis toujours par écrire des séquences où ils n'arrêtent pas de parler. La plupart du temps, les personnages comme Barret, qui apparaissent dès le début et qui ont beaucoup de répliques, ne savent pas grand chose. Mais lorsqu'il s'agit de personnages comme Vincent, ou Auron de Final Fantasy X, plus ils sont tranquilles, plus ils savent de choses sur l'intrigue, et ils finissent par parler beaucoup. Je n'ai toujours pas trouvé de solution à ce problème.
Si l'on s'arrête à l'histoire et au design des personnages, avez-vous des méthodes testées et certifiées, M. Nomura ?Nomura : Peut-être pas une méthode en particulier. Les personnages de FFVII sont le résultat de la volonté d'une certaine variété, et d'un équilibre "orthodoxe" d'une certaine manière. Dans les récents Final Fantasy, les profils des personnages sont définis avant leur design, alors je ne me soucie plus trop de leurs histoires.
Les personnages de FFVII ne sont pas populaires seulement au sein de la série. Comment pouvez-vous l'expliquer ?Nomura : Je me le demande. Je ne vois rien en particulier. Je pense que c'est parce que tous les personnages ont leurs propres épisodes, qui sont assez bien dépeints. On pourrait dire que leurs personnalités sont trop fortes. (Rires)
Nojima : Oui, leur individualité est presque excessive. Par exemple, une fois que vous avez décidé qu'Aerith parlerait de cette manière, les choses s'intensifient dans cette direction. Et comme avec l'animation cool de Cloud dont nous parlions tout à l'heure, toute l'équipe avait pris en compte les détails qui semblaient intéressants. Même la phrase d'accroche de Cloud, "Je ne suis pas intéressé", apparaît tellement souvent qu'on finit par se dire : "Personne ne dit ça aussi souvent". (Rires)
Kitase : Tout le monde l'utilisait, non ?
Nojima : Dans ce sens, les personnages étaient vraiment forts. À partir de Final Fantasy VIII, la taille des personnages a augmenté, et nous avons commencé à prendre en compte le réalisme. Il nous arrive de les comparer avec des personnes réelles. Mais dans Final Fantasy VII, même en 3D, il n'y a pas vraiment cette idée de réalisme. Peut-être que sur ce point, ils étaient comme des personnages de dessin animé, ce qui était un plus. Je pense que l'une de leurs qualités en tant que symboles est le fait qu'on se rappelle d'eux rapidement.
Kitase : Lorsque j'ai lu le scénario de Nojima pour la première fois, j'ai pensé que son image de l'héroïne était vraiment originale. Le héros n'avait pas de personnalité typique, déterminé ou vertueux, et Aerith vivait dans les taudis. Ces aspects étaient vraiment frais. Et le fait qu'il y ait deux héroïnes, Aerith et Tifa, et le héros entre les deux, c'était assez nouveau à l'époque. Sephiroth aussi, qui apparaît dès le début et qui est l'ennemi final, et une sorte de rival. Personnellement, je pense que ces choses, qu'on ne trouve pas dans les précédents Final Fantasy, sont le secret de sa popularité.
Nomura : En ce qui concerne Sephiroth, je voulais éviter ce genre de développement où à la fin de l'histoire, le véritable ennemi, dont on a pas entendu parler jusque-là, apparaît brusquement. Dans FFVII, je voulais une histoire où l'on poursuit le vrai ennemi dès le départ. Pour les héroïnes, certaines personnes pensaient que comparée à Tifa, Aerith n'avait pas beaucoup de scènes, c'est pourquoi nous l'avons fait apparaître plus souvent.
Nojima : Tifa est "l'amie d'enfance que l'on connaît depuis la maternelle", et Aerith "la fille qui arrive au milieu de l'année et repart dans une autre école rapidement". Comme elle n'a pas beaucoup de scènes, vous devez faire en sorte qu'elle ait un réel impact. C'est ce que je pensais.
On ne peut pas parler des héroïnes de FFVII sans parler de la tragédie de la Cité Oubliée. Cet évènement est une scène vraiment mémorable, pas seulement dans la série des Final Fantasy, mais aussi pour tous les RPG.Kitase : Dans les précédents Final Fantasy aussi, certains personnages mourraient et disparaissaient. Comme Galuf dans Final Fantasy V, qui mourrait après avoir donné tout ce qu'il avait au combat. Dans ces situations, les protagonistes acceptent souvent cette mort et arrivent à surmonter l'épreuve. Mais dans FFVII, nous voulions aller un cran plus loin, en rajoutant l'aspect de la perte d'un être cher. Je ne voulais pas d'histoire dans laquelle même lorsqu'un personnage meurt, il n'y a pas d'idée de perte, et qu'au contraire, ses compagnons n'en sont que plus motivés.
Nojima : Les discours de Kitase sur la mort sont conséquents depuis.
Kitase : Et dans beaucoup d'histoires, avant la mort d'une personnage, on y est préparés. Ce sont les genres de développement que je voulais éviter. Dans la réalité, la mort frappe sans avertissement, et l'on est étourdi par le sentiment de perte... Vous n'avez pas envie de combattre le mal, vous voulez plutôt tout laisser tomber. J'avais été chargé de la réalisation de cette scène, et j'avais essayé d'y apporter ce réalisme.
Nomura : C'est lié a la vie, l'un des thèmes de FFVII, alors ça ne représente pas "la mort pour la motivation". Cela exprime plutôt une douleur réaliste. La mort arrive soudainement, il n'y a pas d'excitation d'aucune sorte, mais simplement de la tristesse.
Nojima : D'un point de vue scénaristique, FFVII est "l'histoire du cycle de la vie au travers de la planète", alors quelqu'un devait faire partie de ce cycle. En d'autres mots, même si ce qui arrive à Aerith n'est pas vraiment basé sur la logique, peut-être qu'une personne du groupe était destinée à mourir dès le début. Mais nous ne l'avions pas choisie précipitamment : tout le monde s'était creusé la tête pour cette décision.
Sept ans après la sortie de Final Fantasy VII, la Compilation est lancée. Mais que la suite, Advent Children, soit un film, a été une réelle surprise.Kitase : Le projet Advent Children a pris forme lorsque l'équipe a déclaré vouloir faire un film.
Nomura : Qu'il soit basé sur FFVII avait été décidé dès le départ.
Kitase : Ils avaient fait de nombreuses cinématiques pour des jeux, alors ils avaient l'expérience. Mais un film indépendant était un grand challenge pour nous, alors nous devions être prêts à pouvoir faire face aux difficultés. C'est dans cet état de préparation et de bonne volonté que nous avons décidé de travailler avec FFVII. Au départ, nous avions prévu de ne réaliser qu'une vingtaine de minutes, mais les scènes de combat ont commencé à apparaître, et la barre des cent minutes a été dépassée... (Rires)
Nomura : Après avoir commencé le projet, nous avions dû le mettre de côté pendant quelques temps. À ce rythme-là, il allait s'évaporer, alors j'ai dû lever la main et dire que je le ferai. Nous avons alors continué là où nous nous étions arrêtés, en ajoutant des scènes de combat et ainsi de suite.
Est-ce que la formule des titres de la Compilation Final Fantasy VII (AC, BC, CC et DC) était prévue dès le départ ?Kitase : Before Crisis est sorti avant, mais Advent Children est le premier titre qui a été choisi.
Nomura : Pour le titre de Before Crisis, Hajime Tabata (directeur, Before Crisis -Final Fantasy VII-) et Yukimasa Itou (producteur, Before Crisis -Final Fantasy VII-) sont venus me voir en me disant qu'ils avaient une bonne idée. "Si on le liait à Advent Children, et Before Christ (B.C.), en choisissant Before Crisis ?" Je lui ai alors répondu assez nonchalamment, "Bien sûr, pourquoi pas", mais je ne pensais pas qu'on finirait par en faire une formule. (Rires) Alors, nous avons ensuite ensuite sauté C pour choisir Dirge of Cerberus. Puis un projet CC a débuté soudainement. Un jour, Kitase est venu dans mon bureau et m'a dit, "Trouve quelque chose". (Rires)
Kitase : C'est comme ça que tout a commencé. À l'époque, nous pensions à un portage de Before Crisis sur PSP. Il n'était disponible que sur les portables NTT DoCoMo, et nous voulions qu'une plus grande partie de joueurs puissent s'y essayer. Alors j'avais l'intention de lancer son développement sur PSP, avec les mêmes graphismes, mais un scénario plus poussé. Mais lorsque j'en ai parlé à Tetsuya, j'ai réalisé que ce ne serait pas suffisant. (Rires)
Nomura : Comme on m'avait dit que ce serait Before Crisis sur PSP, je pensais l'appeler "Before Crisis Core". Mais nous avions déjà décidé que Zack serait le personnage principal, et nous nous sommes dit "Puisque le jeu serait différent de BC, nous n'avons pas besoin du mot Before". Alors nous l'avons enlevé, et par chance, ça collait avec le CC que nous avions sauté.
Kitase : La qualité des cinématiques de la version finale de Crisis Core était tellement bonne que l'on aurait pu le sortir sur PS2, je ne m'attendais pas à cela. Je n'avais lu qu'une partie du scénario lorsque j'avais travaillé dessus, alors quand j'y ai joué jusqu'à la fin, en tant que consommateur, j'ai été touché, et je me suis dit : "Aah, c'était donc ça, l'histoire de Zack..." (Rires). Lorsque j'ai vu la fin, j'ai pensé que tous les titres se complétaient vraiment bien. Je suis content que nous ayons fait la Compilation.
Source :
www.ffring.com